LE CONCORDE
Le Concorde est un avion de transport supersonique construit par l’association de Sud-Aviation (devenue par la suite l’Aérospatiale après sa fusion avec Nord-Aviation et la SEREB) et de la British Aircraft Corporation (devenue ensuite British Aerospace).
Concorde d'Air France au roulage
Rôle Avion de ligne supersonique
Constructeur Sud-Aviation (Aérospatiale), BAC (British Aerospace)
Équipage 3 navigants techniques et 6 navigants commerciaux
Premier vol 2 mars 1969
Mise en service 21 janvier 1976
Retrait 26 novembre 2003
Longueur Envergure Hauteur Aire alaire
61,66 m 25,60m 12,19m 358,25m²
Max. à vide Max. au décollage Max. à l’atterrissage Kérosène
79,3 t 185,1 t 111,1 t 119 500 L
Passagers128 sièges
Version commercial 100 passagers
Fret 4,35 t
Moteurs 4 turboréacteurs Rolls-Royce/Snecma Olympus 593 Mk.610
Poussée unitaire Poussée totale Vitesse de croisière maximale
169,3 kN 677 kN 2 145 km/h (Mach 2,02)
Vitesse maximale Autonomie
2 368 km/h (Mach 2,23) 6 200 km
Altitude de croisière Vitesse ascensionnelle
16 000 à 18 000 m 25,41 m/s
Charge alaire Rapport poussée/poids
440 kg/m² 0,373kg
C'est l’un des deux seuls avions de ligne supersoniques à avoir été produits, l'autre étant le Tupolev Tu-144 soviétique parfois surnommé Concordski ou Concordoff en raison de sa ressemblance avec Concorde.
La vitesse de croisière du Concorde est de Mach 2,02 à une altitude variant de 16 000 à 18 000 mètres. Il est doté d’une aile delta modifiée et de moteurs à postcombustion développés d’abord pour le bombardier britannique Avro Vulcan. Il est aussi le premier avion civil à être équipé de commandes de vol électriques, précédant ainsi les Airbus.
Les vols commerciaux ont commencé le 21 janvier 1976 et se sont terminés 27 ans plus tard en 2003. Ces premiers vols commerciaux ont eu lieu avec British Airways et Air France au-dessus de l’océan Atlantique le 21 janvier 1976. Les derniers vols ont eu lieu respectivement le 31 mai 2003 pour Air France et le 24 octobre 2003 pour British Airways, le vol de la retraite ayant eu lieu le 26 novembre de la même année. Jean-Cyril Spinetta, alors président d’Air France, a affirmé : Concorde ne s’arrêtera pas vraiment car il ne sortira jamais de l’imaginaire des hommes.
À la fin des années 1950, des entreprises aéronautiques britannique, française, américaine et soviétique veulent construire le premier avion civil supersonique.
Le français Sud-Aviation et le britannique Bristol Aeroplane Company développent respectivement leurs supersoniques Super-Caravelle et Bristol 233. Ils sont financés par leurs gouvernements respectifs, ceux-ci tenant à contrer la domination aérienne américaine. Dans les années 1960, les deux projets sont déjà bien avancés, mais les énormes coûts de développement des appareils amènent les États à faire collaborer les deux entreprises. Le développement du Concorde est donc plus un accord international franco-britannique qu’un accord commercial entre les constructeurs. Le traité de coopération, dont les discussions ont duré environ un an, est signé le 29 novembre 1962.British Aircraft Corporation (BAC) et Sud Aviation se partagèrent les coûts de l’appareil, Bristol Aero Engines (racheté par Rolls-Royce en 1966) et Snecma font de même pour développer le turboréacteur dérivé du Bristol Olympus référence 593. Les Britanniques voulaient un modèle long-courrier (transatlantique) alors que les Français voulaient un moyen-courrier. En l’absence de toute étude de marché, le consortium a estimé un montant de commandes de plus de cent avions, passé par les principales compagnies aériennes clientes de l’époque : Pan Am, BOAC et Air France, qui commandent alors six Concorde chacune.
Parmi les autres projets d'avion de ligne supersonique proposés, il n'y a que le projet soviétique qui aboutit. Le Tupolev Tu-144 était prévu pour transporter 140 passagers à la vitesse de Mach 2. Le prototype soviétique effectue son premier vol le 31 décembre 1968 à la base de Zhukovsky, près de Moscou.
Le Concorde fait son premier vol d'essai au-dessus de Toulouse, le 2 mars 1969. L'équipage est composé d'André Turcat aux commandes, secondé par Jacques Guignard, Henri Perrier et Michel Retif. Ce vol dure 29 minutes. Son premier passage supersonique se fait le 1er octobre de la même année, Mach 2 étant atteint un an plus tard. Le programme d’essais en vol se déroulant sans incidents, cette version de développement, appelée 001, commence les démonstrations destinées au grand public le 4 septembre 1971. Le 2 juin 1972, le second prototype 002 fait des démonstrations au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. Celles-ci amènent un nombre important de commandes pour l’avion, puisque 74 commandes ou options ont été prévues par seize compagnies aériennes, dont huit nord-américaines.
Cependant, à partir de 1973 une combinaison de facteurs cause l'annulation de la presque totalité des commandes. Parmi ceux-ci, on peut citer notamment le premier choc pétrolier, les difficultés financières des compagnies aériennes, l'absence de soutien au projet en Amérique du Nord, l’accident au salon du Bourget du concurrent direct soviétique Tupolev Tu-144 et les problèmes environnementaux comme le bruit du passage supersonique. Au final, Air France et British Airways restent les seuls acquéreurs.
Les États-Unis avaient lancé leur propre projet de transporteur supersonique en 1963. Deux conceptions s'affrontent à l’origine : le Lockheed L-2000 qui ressemble au Concorde et le Boeing 2707, projet techniquement plus audacieux avec une cellule en titane et une voilure à géométrie variable. C'est Boeing qui est retenu en 1966 par le Congrès américain. Plus rapide que le Concorde, le « 2707 » doit transporter 300 passagers à une vitesse proche de Mach 2,7. Cependant face à de grandes difficultés techniques et de fortes oppositions politiques et environnementales, le projet est purement et simplement annulé en 1971. À la suite de cette décision, l'Administration Fédérale Aéronautique (FAA) interdit le survol du territoire américain à vitesse supersonique pour les avions civils, ce qui a contribué à l'annulation des commandes de Concorde par les compagnies nord-américaines.
Les deux compagnies aériennes européennes commencent les vols de démonstration et d’essais vers diverses destinations à partir de 1974 pour avoir le soutien de la population. Les vols d’essai des Concorde ont enregistré 5 335 heures de volsans trop de problèmes, les appareils de pré-production et les deux premiers avions de production servant à terminer la mise au point, notamment des entrées d’air. Au total, 2 000 heures de test ont été réalisées à vitesse supersonique. Avec 5 335 heures de test, le Concorde a été testé environ quatre fois plus longtemps qu’un avion commercial subsonique moyen ou long-courrier.
Les hangars de BAe Systems à Filton où ont été construites les Concorde britanniques
Le Concorde reçoit son certificat de navigabilité le 10 octobre 1975. Toulouse, en France, et Filton, au Royaume-Uni, sont les deux seuls centres de production des appareils.
Les premiers associés, BAC (qui devint BAE Systems) et Aérospatiale (qui devint EADS), sont les co-propriétaires de Concorde. La responsabilité a été transférée à Airbus lorsque l’entreprise qui regroupe BAE Systems et EADS a été fondée.
Innovations techniques
Beaucoup d’améliorations technologiques très communes dans les avions de ligne actuels furent utilisées pour la première fois avec Concorde.
Le Concorde est le premier avion civil à disposer des commandes de vol entièrement électriques et analogiques (fly-by-wire). Cette innovation est due au fait de l'allongement du fuselage en vol supersonique du fait de l'augmentation de la température de la cellule. La transmission par câbles aurait alors été rendue difficile. Toujours pour la même raison, il dispose de réacteurs reliés en thrust-by-wire, ancêtre des réacteurs actuels contrôlés par FADEC.
Dernier vol : atterrissage à Filton, 26 novembre 2003
Un pilote automatique permet une gestion automatique de la puissance (ou encore auto-manette), autorisant un contrôle « mains libres » (ou hands off) de l’avion de la montée initiale à l’atterrissage. L'électricité à bord est générée par des IDG (Integrated Driving Generator), prédécesseur et de même technologie que ceux montés sur les avions actuels (Airbus et Boeing). Le Concorde dispose de trois circuits hydrauliques à haute pression de 28 MPa soit 4 000 PSI pour les composants légers à circuits hydrauliques utilisant un liquide hydraulique à huile synthétique (M2 V) résistant à la température.
Pour le freinage, le Concorde est équipé d'un système SPAD (système perfectionné anti-dérapant) de contrôle de glissement, c’est-à-dire de l’écart de vitesse entre roues freinées et roues non freinées. Par rapport au principe de contrôle de la décélération angulaire des roues freinées, ce système permet de réduire les distances d’arrêt de 15 % sur sol sec et d’améliorer la sécurité sur sol mouillé. Ce système a été repris par Airbus et sur les avions militaires français à partir du Mirage F1. Le système de freinage est contrôlé électriquement. Une commande agit sur une servo-valve faisant interface entre la consigne électrique d'entrée et la grandeur hydraulique (débit ou pression) agissant sur les freins hydrauliques. Ce système remplaçait les commandes classiques hydro-mécaniques plus lourdes et plus complexes à installer. Ce système est repris sur les avions d'Airbus et complété par l’orientation de la roue avant sur l’A320. Des disques de freins en carbone ventilés offrent un gain de masse de 500 kg par rapport à des disques en acier, ainsi qu'une meilleure tenue à l’échauffement.
Le rééquilibrage des masses (gestion du centrage) permet une optimisation des performances. Pendant toutes les phases de vol, le carburant est déplacé afin de positionner au mieux le centre de gravité par rapport au centre de poussée dans la phase de vol concernée (centrage avant en subsonique, centrage arrière pour le vol supersonique).
Des pièces sont usinées à partir d’une ébauche unique (et non issues d’un assemblage), ce qui permettait de réduire la masse et la nomenclature des composants. Les gouvernes de direction et élevons sont constituées en matériaux composites. Toutefois, le vieillissement du matériau entraînait des pertes partielles de gouvernes, particulièrement de direction.
Certaines de ces nouveautés technologiques avaient 20 ans d’avance. Si les coûts de conception ont été élevés, cela a permis aux constructeurs aéronautiques français et anglais de rester dans la course avec les États-Unis, puis de créer Airbus. Nombre de ces améliorations sont maintenant des standards dans les avions de ligne actuels. Par ailleurs, la Snecma commence à construire des moteurs pour l’aviation civile avec le Concorde, et l’expérience qu’elle en tire lui donne l’expertise technique nécessaire à l’établissement du consortium CFM International avec General Electric, qui produit avec succès le moteur CFM56.
Concorde B
Dès les premiers vols commerciaux du Concorde en 1976, l'Aérospatiale a proposé de développer une version B pour réduire le bruit de l'avion et porter sa distance franchissable de 6 800 à 7 500 km (le projet initial français, dénommé Super Caravelle, avait un rayon d'action de 4 500 km). Cela entraînait diverses modifications: aérodynamiques : augmentation de l'envergure pour augmenter la finesse, montage de becs de bord d'attaque pour augmenter la portance et réduire l'assiette de l'avion aux basses vitesses. La finesse serait passée de 3,9 à 4,2 au décollage, et de 5 à 5,5 en montée. En subsonique (Mach 0,93) elle passait de 11,5 à 12,9, et en vol supersonique de 7,1 à 7,7 ; moteurs : modification interne pour augmenter la poussée à basse vitesse, supprimer la réchauffe (postcombustion), réduire la consommation notamment entre Mach 1,2 et 1,7 (-20 %), réduire le bruit.
Le programme n'a jamais été lancé en raison de l'absence de commandes.
Vols réguliers. Historique des vols réguliers
Les premiers vols commerciaux commencent le 21 janvier 1976 sur les trajets Londres-Bahreïn et Paris-Rio de Janeiro via Dakar et Paris-Caracas via les Açores. L'interdiction au Concorde d'atterrir sur le territoire des États-Unis gêna les compagnies qui voulaient faire des trajets transatlantiques.
Le Concorde au décollage.
Lorsque l’interdiction a été levée en février de la même année pour les vols supersoniques au-dessus des eaux territoriales, New York a immédiatement interdit le survol local au Concorde. Avec le peu de choix qu’elles avaient en destinations, Air France et British Airways ont commencé les transatlantiques avec Washington (District de Columbia) le 24 mai. Finalement, en 1977, les nuisances sonores que les New-Yorkais devaient subir ont été annulées par les avantages de Concorde et la liaison Paris et Londres vers l’aéroport new-yorkais John-F.-Kennedy commence le 22 novembre 1977.
Jusqu’en 1983, les destinations pour Air France sont : Rio de Janeiro, Caracas, Dakar, Mexico, Washington, Dallas et New York. À partir de 1983, la compagnie réduit ses vols à la seule destination de New York.
Concorde d'Air France en vol
Le temps de vol moyen sur l’un ou l’autre itinéraire est environ de trois heures et demie. Jusqu’en 2003, Air France et British Airways ont continué à avoir des liaisons quotidiennes avec New York. En plus, Concorde a volé vers la Barbade pendant la saison de vacances d’hiver et, de temps en temps, aux destinations de Rovaniemi en Finlande. Le 1er novembre 1986, un Concorde fait le tour du monde en trente-et-une heures et cinquante-et-une minutes.
Les autres compagnies
Pendant une période brève en 1977, puis de 1979 à 1980, British Airways et Singapore Airlines partagent un Concorde pour les vols entre Bahreïn et l’aéroport international de Changi. L’appareil, immatriculé (G-BOAD), est peint aux couleurs de la compagnie singapourienne sur le flanc gauche et aux couleurs de la compagnie britannique du côté droit. Le trajet est stoppé après les trois premiers mois parce que le gouvernement malaisien se plaignait des nuisances sonores : le trajet est réutilisé lorsqu’une nouvelle ligne qui ne passait pas dans l’espace aérien malaisien a été ouverte. Cependant, l’Inde refuse que le Concorde atteignît la vitesse supersonique dans son espace aérien, ainsi, l’itinéraire a par la suite été déclaré inutilisable.
De 1978 à 1980, la compagnie américaine Braniff International loue deux Concorde, l’un appartient à British Airways et l’autre à Air France. Ils seront utilisés pour effectuer des vols réguliers à vitesse subsonique entre l’aéroport Fort Worth de Dallas à l’aéroport international Dulles de Washington D.C., vols qui continueront ensuite sur l'Europe. Pour des raisons de légalité, les avions utilisés par Braniff sont enregistrés aux États-Unis mais aussi dans les deux États d’origine (France, Royaume-Uni). Les vols Dallas-Washington sont assurés par des équipages de la Braniff, puis des équipages Français et Britanniques prennent le relais pour le vol transatlantique vers Paris ou Londres. Cependant, les vols ne sont pas bénéficiaires ce qui forcera Braniff à arrêter les opérations en mai 1980.
Les autres vols. Les vols charters
Les compagnies Air France et British Airways tentent, à partir de 1983, après l’arrêt des vols commerciaux autres que vers JFK, de rentabiliser les avions (maintenance, équipage).
Les équipes commerciales développent des vols à la demande pour les entreprises, mais aussi pour les agences de voyages des tours du monde et des vols liés à des évènements médiatiques ou autres. Par exemple des vols sont effectués pour la Coupe du monde de football, les Jeux olympiques (transport de la flamme olympique en 1992 pour les jeux d’Albertville (France), Grands Prix de Formule 1, Carnaval de Rio, complément de croisière en paquebot, inauguration de l’aéroport de Kansai. Jusqu’en juin 1989, promotion dans les meetings d’aviation.
Tours du monde
Ces tours du monde durent environ un mois.
Les passagers des tours du monde sont principalement des passagers américains. Les principales agences sont Kuoni, Intrav Missouri et TMR France (Marseille). Certaines années, chez Air France, jusqu’à 6 tours du monde sont effectués.
En 1995, plusieurs événements politiques et contentieux diplomatiques déroutent deux tours du monde. L’un de ces évènements est une vague d’attentats en France et l’autre, la reprise des essais nucléaires français en Polynésie. Les escales de remplacement sont Nouméa avec un transfert des passagers par vols subsoniques vers Christchurch et Sydney ainsi que Londres au lieu de Paris.
Une pause a été faite en 1991 pendant la première guerre du Golfe.
En septembre 1995, la Chine donne l’autorisation d’atterrir à Pékin pour British Airways et Air France. Mais le bruit au décollage amène les chinois à interdire Pékin au Concorde. Les escales en Chine se font à Tianjin à 140 km au sud de Pékin, en bord de mer.
Les vols présidentiels
Georges Pompidou
Le 7 mai 1971, le Concorde emporte le président de la République française Georges Pompidou. C’est la première fois qu’un chef d’État utilise un prototype pour effectuer un voyage officiel. Durant ce vol, le président Pompidou donne une interview en direct au micro de l’ORTF, dans laquelle il a dit : Je suis frappé par la stabilité de l’appareil à plus de deux mille kilomètres à l’heure. Je ne m’en apercevrais même pas, tant le vol est calme, doux et silencieux, si je ne voyais pas les côtes de France au loin, qui défilent devant nous à une vitesse extraordinaire. À tout le personnel de l’Aérospatiale, des ingénieurs aux techniciens et à tous les travailleurs, je voudrais dire, pour la joie qu’ils me donnent aujourd’hui, de tout cœur merci.
De 1981 à 1995, après un voyage du président de la République française en Chine avec un avion subsonique, tous les voyages présidentiels lointains sont effectués en Concorde. Celui-ci était aménagé en bureau et chambres à coucher dans la cabine avant, la cabine arrière étant réservée aux invités. Une photocopieuse était installée en cabine arrière.De même, un système de chiffrement des communications dites « sensibles » était installé avec un téléphone vers le bureau du président. Un pilote spécialiste radio était embarqué pour s’occuper des communications présidentielles.
La visite du 12 septembre 1985 sur le site de Kourou pour le lancement de la fusée Ariane 3, laisse un souvenir désastreux au président François Mitterrand : après deux demi-tours sol pour des problèmes de train avant, il doit changer d'appareil (de plus, la fusée a dû être détruite en vol, à la suite d'un défaut d'allumage du 3e étage). D’autres présidents ou rois ont affrété le Concorde pour leurs déplacements soit par les vols réguliers vers New York (assemblée générale des Nations unies) soit des transports vers l’Afrique comme le président Mobutu (Zaïre) ou le président Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire).
Les vols pontificaux
Lors des voyages du pape, la règle est que le pays recevant le pape organise le voyage de départ vers sa prochaine destination.
Lors du passage du pape Jean-Paul II sur l’île de la Réunion le 2 mai 1989, un Concorde d'Air France (F-BTSC) est affrété pour le transporter entre Saint-Denis de la Réunion et Lusaka (via Gillot).
La maintenance
L’entretien du Concorde avec les contraintes exigées, sécurité des vols, ponctualité, régularité vol en supersonique, peut être assimilé à l’entretien d’une Formule 1 donc gourmand en heures de main-d’œuvre et en pièces.
À titre de comparaison, la maintenance d’un Concorde est de 18 à 20 heures par heure de vol alors que celle d’un avion classique d’aujourd’hui est en moyenne de 2 heures. D’autre part, le nombre réduit de vols entraîne des stationnements prolongés au sol.
L’arrivée du Concorde entraîne une petite révolution en maintenance puisque les circuits étaient commandés en électrique et en hydraulique, avec pour certains des tests embarqués pour faciliter le dépannage. Il a fallu repenser les métiers des mécaniciens et électriciens pour entretenir les Concorde : l’électronique faisait son entrée dans tous les circuits en commande et en surveillance.
Les visites
Comme les autres avions, le programme d’entretien est déposé par la compagnie aérienne. Cependant, les deux compagnies avaient deux philosophies différentes en matière d’entretien particulièrement dans l’utilisation et l’occupation des mécaniciens.
British Airways
Le choix de British Airways est de créer un département entretien spécialement réservé au Concorde.
Air France
Dès les débuts de l’exploitation de Concorde, le choix est également de créer un département Concorde, mais la fréquence des vols, la sous-utilisation des mécaniciens et les coûts de maintenance entraînent la création d’un département avion européens. Dans un premier temps en 1979 avec l’A300, en 1984 avec l’A310, puis en 1989 avec l’A320. À partir de 1990, la maintenance des Concorde est partagée avec seulement les A300 et A310. En 2001, après l'accident de Gonesse, un département Concorde seul est recréé jusqu’en 2003, fin de l'exploitation.
Cette organisation permet d’occuper les mécaniciens en permanence, mais aussi de maintenir les compétences dans les technologies nouvelles.
Dans les escales régulières, comme JFK, une équipe dédiée est en permanence sur place. À partir de 1995, la maintenance à JFK est sous-traitée à une entreprise créée par d’anciens mécaniciens Air France, Mach 2.
Dans les autres escales, deux mécaniciens sont envoyés sur place pour assurer les pleins et la maintenance.
Pour les tours du monde, un technicien superviseur est en permanence à bord en vol, en plus de l’officier mécanicien navigant, et deux mécaniciens envoyés sur place assurent la maintenance dans chaque escale. Un lot de bord permet d’assurer un dépannage de qualité permettant la poursuite du vol.
Accident de Gones
Avant l’accident de Gonesse, le Concorde n'a jamais connu d’avaries entraînant des pertes humaines. Aucun exemplaire n’a eu de problèmes pour des raisons strictement « internes » à l’avion.
L’enquête judiciaire qui a suivi l’accident met en cause le talon d’Achille du Concorde, la fragilité des pneumatiques. Des dizaines de cas d’éclatement de pneumatiques sont survenus depuis sa mise en service, avec dans plusieurs cas des perforations d'un réservoir ou d'une aile notamment à Washington et à Dakar en 1979.
Le Concorde en flamme au décollage de l’Aéroprt Charles de Gaulle
Le 25 juillet 2000, le F-BTSC du vol 4590 Air France, charter à destination de New York, avec des passagers de nationalité allemande, décolle de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle puis s’écrase deux minutes après le décollage sur un hôtel à la Patte d’Oie de Gonesse, provoquant la mort de 113 personnes : cent passagers, neuf membres d’équipage et quatre personnes au sol.
L’accident du 25 juillet 2000 serait dû, notamment, à une cause extérieure, une lame métallique laissée sur la piste par l’avion précédent : un DC-10 de la Continental Airlines. L’éclatement d'un pneu aurait provoqué une fuite de carburant plus importante que lors des incidents précédents ; l’inflammation du carburant aurait entraîné des « pompages » (décrochage aérodynamique des pales des compresseurs) et des pertes massives de puissance sur un moteur (le no 2), puis sur l’autre situé juste à côté (le no 1). La principale cause retenue par la version officielle est celle de « la lame métallique présente sur la piste », cependant, l’analyse détaillée de cet accident par des méthodes rigoureuses révèle que pas moins de quinze facteurs différents (causes premières) se sont conjugués pour provoquer ce crash.
L’accident est à l’origine de nouvelles modifications sur le Concorde. Les contrôles électriques ont été améliorés : protection anti-perforation en kevlar des réservoirs de carburant (au nombre de 13 sur Concorde), montage de pneus plus résistants, fournis par Michelin qui a développé les pneus « NZG », qui d’ailleurs pèsent 20 kg de moins que ceux précédemment utilisés. Néanmoins, le nombre de places à bord est réduit d’une dizaine, rendant l’exploitation encore moins rentable. Les deux itinéraires sont rouverts le 7 novembre 2001.
Une nouvelle hypothèse est rendue publique par le magazine Spécial investigation dans son émission nommée Concorde – Le crash d'un mythe, diffusée le 22 janvier 2010 à 22 h 35 sur Canal+. Cette nouvelle hypothèse serait étayée par de nombreux témoignages (pompiers, pilotes, personnel de l'aéroport…) qui affirment que Concorde était déjà en feu près d'un kilomètre avant la position sur la piste de la lamelle incriminée par l'enquête du BEA. Le documentaire affirme que l'appareil était en surcharge d'environ 1,5 tonne et qu'une entretoise manquait depuis plusieurs jours sur le train d'atterrissage dont un pneu a éclaté. L'éclatement en lui-même serait dû à un défaut sur la chaussée de la piste de décollage.
Le procès relatif à cet accident s'est ouvert le 2 février 2010 au palais de justice de Pontoise. Le 21 mai 2010, l’accusation a requis: la condamnation à une amende de 175 000 euros de Continental Airlines ce qui entraînerait sa responsabilité civile; dix-huit mois de prison avec sursis contre son mécanicien John Taylor et Stanley Ford, son chef d'équipe; deux ans de prison avec sursis contre Henri Perrier, 80 ans, directeur du programme Concorde à l’Aérospatiale (devenue EADS) de 1978 à 1994. « Il est celui qui avait la conscience des risques, de ce qu'il fallait faire. Il aurait pu empêcher l'accident » a dit le procureur à son propos; la relaxe de Jacques Hérubel, 74 ans, ingénieur en chef de ce programme de 1993 à 1995 et de Claude Frantzen, 72 ans, un des principaux dirigeants de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) de 1966 à 1994.
Le 6 décembre 2010 la justice rend son verdict et condamne Continental Airlines à une amende de deux cent mille euros et à verser un million d'euros de dédommagement en faveur d'Air France (cinq cent mille euros pour « préjudice moral » et la même somme pour « atteinte à l'image »). Continental Airlines, par la voix de son avocat Me Olivier Metzner, a décidé de faire appel de cette décision. Le chaudronnier John Taylor est condamné à 15 mois de prison avec sursis, son chef d'équipe, Stanley Ford, ayant été relaxé. Les trois autres prévenus (Henri Perrier, Jacques Hérubel et Claude Frentzenont) ont été relaxés.
Le 16 décembre 2010 Air France décide de faire appel en raison des propos tenus après l’annonce du verdict par Continental Airlines (« décision absurde », « détermination des autorités françaises de détourner l’attention de la responsabilité d’Air France, qui appartenait à l’État au moment de l’accident »). Un nouveau procès se tiendra donc à la Cour d’Appel de Versailles en 2012 (prévu de début mars à mi-avril).
Concorde F-BVFF exposé sur l’aéroport de Roissy
Air France
Les derniers vols commerciaux de Concorde avec Air France décollent de l’aéroport JFK de New York (dernier vol régulier New York vers Paris) et de Roissy (dernière boucle supersonique) et atterrissent à Roissy le 31 mai 2003. Le dernier Concorde à atterrir en service commercial devait être le Sierra Delta en provenance de New York, mais un problème sur le moteur no 4 retarde de 45 minutes le décollage du Fox Bravo, chargé d’effectuer la dernière boucle supersonique au-dessus de l’Atlantique, et le FB atterrit donc finalement le dernier vers 18 h 30 alors que Sierra Delta se pose à 17 h 45 (les arrivées étaient initialement prévues à une minute d’intervalle). Les camions de pompiers ont arrosé l’avion comme de coutume sur la piste de l’aéroport John F. Kennedy alors que, à Roissy, 15 000 personnes attendaient les deux derniers Concorde.
La fin de l’aventure Concorde avec Air France est marquée, pour le Fox Bravo, par un vol au-dessus du golfe de Gascogne à vitesse supersonique. De retour de sa boucle au-dessus de l’Atlantique, le Fox Bravo survole Orly, l’aérodrome de Lognes, puis passe à la verticale de Roissy avant de s’y poser. De nombreux véhicules (véhicules de piste, voitures de gendarmerie et de pompiers) escortent les deux derniers Concorde après leurs atterrissages respectifs. Les deux avions font une longue promenade sur les taxiways de Roissy, s’arrêtant entre autres devant le siège d’Air France et devant les milliers de personnes venues assister aux deux derniers atterrissages de Concorde en service commercial. Mais c'est le 3 juin 2003, que Concorde effectua pour la toute dernière fois la liaison New York - Paris Charles de Gaulle, à l'issue d'un vol VIP non commercial, à bord du F-BVFB.
Les derniers vols de convoyage vers les musées des Concorde se sont effectués de cette manière : le 12 juin, le Concorde F-BVFA est le premier à rejoindre son musée, il quitte Paris pour rejoindre la collection du Smithsionan Museum de Washington, où il sera exposé officiellement le 20 décembre de la même année. Le 14 juin 2003, c'est F-BTSD qui rejoint la collection du Musée de L'Air et de L'Espace du Bourget, il effectue un court vol entre Roissy et Le Bourget, et arrivera en vol durant le salon du Bourget 2003 devant le Président Jacques Chirac, présent pour l'occasion. Le 24 juin, le Concorde F-BVFB quittera Paris pour rejoindre Karlushe Baden en Allemagne, où il se posera pour la dernière fois pour rejoindre par voie fluviale et terrestre la collection du musée allemand technique de Sinsheim aux côtés de son rival Tupolev-144. Le 27 juin 2003, le F-BVFC effectuera l'ultime vol Concorde français entre Paris et Toulouse, là où il sera exposé pour le futur musée Aéroscopia, à son bord André Turcat, et autres acteurs du projet Concorde.
Une enchère a par ailleurs lieu chez Christie's à Paris le 15 novembre 2003. 1 300 personnes sont présentes pour acheter des objets et des photos des moments importants de la vie du Concorde. Parmi ces objets, certains voient leur valeur multipliée par dix (voire plus) par rapport à celle prévue.
British Airways
Le dernier Concorde de British Airways décolle de la Barbade le 30 août 2003.
La dernière semaine de vols de démonstration du Concorde se fait au-dessus de Birmingham le 20 octobre, à Belfast le 21, Manchester le 22, Cardiff le 23, et Édimbourg le 24. Chaque jour, l’avion part de la ville de Heathrow et va jusqu’aux villes concernées en volant à basse altitude en vol subsonique. Il y a eu environ 650 personnes ayant gagné à un concours et 350 personnes invitées qui ont volé dans ce Concorde.
Concorde au-dessus de Bristol lors de son dernier vol
Élisabeth II consent à éclairer le château de Windsor pour la soirée du 23 octobre 2003, pour le passage de Concorde au-dessus du château après un décollage de Londres. C'est, pour le Concorde, un honneur suprême, car seuls quelques avions des principaux chefs d’État ont droit à ce privilège.
British Airways retire officiellement l’avion le jour suivant, le 24 octobre. Cette sortie définitive se fait avec l’un des Concorde qui quitte New York avec une fanfare similaire à celle qu'a connu son homologue d’Air France, tandis que, simultanément, deux autres avions paradent, l’un au-dessus du golfe de Gascogne pour Air France, et l’autre au-dessus d’Édimbourg pour British Airways. Les trois avions ont obtenu la permission spéciale de voler à basse altitude. Les deux Concorde (qui faisaient des tours) atterrissent respectivement à 16 h 01 et 16 h 03 à l’heure britannique et celui venant de New York à 16 h 05. Chacun des trois avions passe alors 45 minutes en roulant au sol autour de l’aéroport avant de débarquer les derniers passagers civils d’un vol supersonique. Le pilote du vol New York/Londres est Mike Bannister qui est aussi le pilote du premier vol commercial d’un Concorde aux couleurs de British Airways, qui a eu lieu en 1976.
Parmi les passagers de ce dernier vol transatlantique il y a, comme souvent, de nombreuses célébrités du monde du spectacle et des affaires, des cadres ou des dirigeants de grandes compagnies internationales mais aussi un voyageur très chanceux qui avait réservé un an auparavant un billet pour ce trajet sans savoir, bien évidemment, que ce serait le dernier voyage de l’avion.
Il y a eu par la suite une vente aux enchères des pièces d’un Concorde de British Airways qui s'est déroulé le 1er décembre 2003 au centre d'exposition d'Olympia dans le quartier Kensington de Londres. Les articles vendus sont hétéroclites et comprenaient un compteur de mach, le cône du nez, le siège du pilote de Concorde, des fauteuils de passagers et même des couverts, des cendriers et des couvertures utilisés à bord de l’appareil. Environ 1 129 000 euros sont récoltés, dont 752 720 sont donnés à l’association (Get Kids Going! qui donne aux enfants handicapés et aux jeunes l’occasion de faire du sport.