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UN EXPLOIT HORS DU COMMUN

Charles Godefroy Né le : 29 décembre 1888 à La Flèche (Sarthe). Mort le: 11 décembre 1958 à Oisy-sous-Montmorency

Pour protester contre l'absence des ailes françaises au défilé de la victoire, Charles Godefroy passa sous l'Arc de triomphe avec un (Bébé) Nieuport.

Le 7 août 1919, bravant l'interdiction officielle, ce pilote inconnu, originaire de la Sarthe, passait sous l'Arc de triomphe de l'Étoile aux commandes de son (Bébé) Nieuport

Passer en vol sous l'Arc de triomphe de l'Étoile est une idée qui hante l'esprit de nombreux aviateurs de la Première Guerre mondiale.

 

Guynemer essaie, mais y renonce. Il déclare : C'est impossible. Quand on arrive sur l'Arc, on ne voit pas le trou, mais seulement un mur de pierres. Roland Garros, qui fait autorité, étudie lui aussi le projet. Il est formel : Celui qui essaiera de passer là se tuera!

La décision prise par les autorités de faire participer à pied l'aviation au défilé de la victoire du 14 juillet 1919 suscite une certaine rancoeur chez les pilotes. Certes, il est prévu que les (as) seront groupés derrière leur porte-drapeau, le prestigieux capitaine Fonck, mais ils s'estiment cependant frustrés par cette mesure de prudence justifiée.

 

En effet, au cours de cérémonies analogues en province, des accidents se sont produits. Pour laver ce qu'il considère comme un affront, Jean Navarre, as aux douze victoires officielles, décide de passer sous l'Arc au moment même du défilé, en violation des règlements et des consignes.

Sa mort accidentelle le 10 juillet, en exécutant à Villacoublay un exercice de haute école, l'empêche de réaliser son projet. (Depuis, d'aucuns ont prétendu que Navarre, qui avait fait construire sur le terrain une réplique du monument, avait trouvé la mort en s'entraînant à passer sous celle-ci.) L'exploit sera réalisé le 7 août 1919 par un pilote inconnu : Charles Godefroy.

Né le 29 décembre 1888 à La Flèche (Sarthe), celui-ci est mobilisé en 1914 au 132e régiment d'infanterie, où il obtient deux citations en qualité d'agent de liaison. Après un séjour à l'hôpital, il est affecté à l'aviation le ler septembre 1917. Breveté sur Nieuport le 21 novembre à Miramas, Godefroy se fait remarquer par sa virtuosité et devient rapidement moniteur.

 

Un (Bébé) Nieuport; c'est avec ce type d'appareil que Charles Godefroy passa sous l'Arc de triomphe.

Il est de ceux qui rêvent de passer sous l'Arc de triomphe et s'entraîne aux environs de Miramas, en passant sous un pont du Petit Rhône, au grand désespoir des pêcheurs qui se demandent qui est ce fada! De retour à Paris, Godefroy, titulaire de cinq cents heures de vol, se rend souvent sur la place de l'Étoile en compagnie du célèbre journaliste Jacques Mortane, pour étudier les vents aux abords du monument.

Les baies latérales qui s'ouvrent sur l'avenue de Wagram et l'avenue Kléber provoquent deux courants d'air contraires. Pour les vaincre, il faut amorcer un piqué très allongé afin d'amener l'avion à sa vitesse maximale. Le vol des pigeons sous la voûte l'aide également à étudier sa manoeuvre. Le pilote s'estime prêt, mais l'interdiction toujours en vigueur de passer en vol sous l'Arc l'oblige à agir en fraude! La complicité d'un mécanicien de Villacoublay Lagogué, mis au courant de son projet, va le lui permettre.

 

Le 7 août 1919, à 6 heures du matin, Godefroy arrive à l'aérodrome, où Lagogué l'attend près d'un hangar. Il a choisi un « (Bébé) Nieuport, à moteur Gnome de 120 ch, et l'a soigneusement mis au point. Si le temps brumeux favorise les deux conspirateurs, en ce sens qu'il leur permet de sortir l'avion sans être vus, la visibilité réduite ne favorise guère le vol.

 

Qu'importe! Le moteur mis en route, le mécanicien, soucieux de ne pas être reconnu, s'éclipse, pendant que le pilote fait un court point fixe et décolle. Il est 7 h 20. Quelques minutes plus tard, le Nieuport survole la porte Maillot, pousse jusqu'à l'Étoile, qu'il contourne deux fois, puis revient vers la porte Maillot pour se mettre dans l'axe et prendre de la hauteur.

Après un demi-tour, le pilote reprend son point de mire et, remontant l'avenue de la Grande-Armée pleins gaz et en léger piqué, atteint la masse de pierre. Une légère embardée à droite, une autre à gauche, l'ombre, la clarté. Il a réussi! Malgré les remous provoqués par l'air aux abords immédiats du monument, un appareil de 9 m d'envergure est passé sous une voûte de 14,50 m de large!

Un tramway arrive, dont les voyageurs ont très peur. En un clin d'oeil, Godefroy évite le véhicule et file vers la place de la Concorde, puis rentre à Villacoublay, où Lagogué l'attend avec anxiété. Le vol a duré une demi-heure.

 

Rapidement, les deux complices rentrent l'appareil au hangar. Le mécanicien, usant d'un vieux truc de compagnon, saupoudre les plans de sable fin afin de faire disparaître les traces d'huile. Dix minutes plus tard, le sable enlevé, tout est propre, nul ne peut dire que l'avion vient de voler.

A l'Étoile, l'émotion est grande. Des passants se sont sauvés dans tous les sens; des voyageurs du tramway ont sauté à terre. Des journalistes, des photographes et des cinéastes, prévenus par Mortane, se sont aplatis au sol; l'un deux s'est même trouvé mal.

 

Dans les milieux de l'aviation, les réactions sont mitigées : si pilotes et mécaniciens laissent voir leur enthousiasme, les responsables, même s'ils se réjouissent intérieurement de la prouesse de Godefroy, sont obligés de le blâmer. En effet, il a enfreint et avec quel éclat!  Les arrêtés réglementant la circulation aérienne au-dessus des agglomérations urbaines, et les autorités se doivent de dissuader d'éventuels émules.

Ceux-ci, n'ayant pas forcément le coup d'oeil et la sûreté de manoeuvre exceptionnels de leur modèle, mettraient en cause la sécurité publique. De plus, des échecs pourraient provoquer de graves dégâts et nuire ainsi au prestige de l'aviation.

 

La photographie a immortalisé cet exploit jamais renouvelé

Toute publicité est interdite, et le film saisi, pour éviter tout esprit d'émulation. Le héros de cette aventure reçoit, quant à lui, des blâmes officiels. mais aussi de nombreuses lettres de félicitations. Les Français aiment la crânerie et le panache! La ville de La Flèche l'honore en apposant une plaque sur sa maison natale.

Il faut signaler que, ce 7 août 1919, Godefroy n'avait pas pris les commandes d'un avion depuis six mois. Fidèle à la promesse faite à sa famille, il devait abandonner le pilotage après cet exploit dangereux, mais de portée internationale, et se contenta de gérer un commerce de vins à Aubervilliers. Il mourut à Soisy-sous-Montmorency le 11 décembre 1958.

A la connaissance de l'auteur, aucun autre avion n'est passé sous la voûte de l'Arc de triomphe de l'Étoile, où repose, depuis le 11 novembre 1920, le Soldat inconnu. En revanche, le 24 février 1926, une tentative analogue fut faite à la tour Eiffel.

A la suite d'un pari, le lieutenant Léon Collet, venu d'Orly sur un Breguet 19, traverse la Seine et passe entre les piliers de la Tour. Il réussit, mais touche de l'aile une des antennes de l'émetteur radio. L'appareil, déséquilibré, s'écrase et prend feu. Moins heureux que Godefroy, le pilote meurt carbonisé sous les yeux des spectateurs.



03/02/2013
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