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PLUS LÉGER QUE L’AIR

Lancés à la conquête du ciel, les ballons et les dirigeables définirent les applications civiles et militaires d'une formule nouvelle ouvrant la voie aux plus lourds que l'air

Dans son désir de voler, l'homme s'est longtemps heurté au problème de la force motrice. Aussi les expériences scientifiques mettant en lumière les propriétés de l'air et celles de certains gaz débouchèrent-elles tout naturellement sur des projets de machines volantes.

L'une des premières que l'on connaisse est le projet de navire aérien imaginé en 1670 par un jésuite italien nommé Francesco Lana. Son dessin représentait un appareil sustenté par des sphères métalliques vides et mû par des rames et une voile.

II fallut attendre 1783 pour que des hommes parvinssent à s'élever dans les airs en utilisant le principe du (plus léger que l'air). Ils y réussirent au moyen de ballons gonflés à l'air chaud, puis avec un gaz récemment découvert, l'hydrogène (alors appelé (air explosif).

Sans cesse perfectionnés, les ballons libres et leurs cousins dirigeables servirent à de multiples tâches, tant militaires que civiles, avant d'être éclipsés par les aéronefs, plus rapides et plus fiables.

 

Premières ascensions

Les premières expériences d'ascensions réussies furent le fait des frères Joseph et Étienne Montgolfier, qui, le 5 juin 1783, firent s'élever à Annonay, dans l'Ardèche, une enveloppe semi-sphérique fabriquée essentiellement en papier et remplie d'air chaud en la plaçant au-dessus d'un foyer.

Ayant eu vent de cette expérience, le roi Louis XVI et l'Académie leur demandèrent de la renouveler à Versailles, cette fois en suspendant sous la montgolfière une cage en osier renfermant un mouton, un coq et un canard pour vérifier si l'atmosphère était encore respirable à une certaine hauteur au-dessus du sol. La démonstration eut lieu le 19 septembre 1783.

Selon les chiffres publiés à l'époque, la montgolfière mesurait 18,50 m de haut et 13,30 m de diamètre dans sa partie sphérique. Son volume était de 1 287 m3 et son poids total de 1 596 kg.

L'air chaud étant considéré comme deux fois plus léger que l'air ambiant, on obtenait 798 kg de charge utile, dont 450 kg seulement pour le panier chargé, suspendu par une corde à la base du ballon.

L'enveloppe fut gonflée au-dessus d'un feu en onze minutes, puis la montgolfière fut libérée. Elle s'éleva aussitôt et dériva vers le bois de Vaucresson, où elle atterrit, à 3 300 m de son point de départ, après huit minutes de vol. D'autres expériences semblables eurént lieu, attirant toujours, comme celle du 19 septembre, une foule considérable.

François Pilâtre de Rozier, un physicien de vingtsept ans passionné par l'aérostation naissante, s'était proposé pour le premier vol humain : le 15 octobre 1783, il s'éleva à 25 m à bord de la mongolfière maintenue captive par des cordes. Le 19 octobre, il monta à 75 m sans cordes de retenue, puis recommença avec un passager, Giroud de Villette, puis le marquis d'Arlandes.

Par rapport à la première montgolfière, le ballon destiné aux vols humains était plus grand et possédait une nacelle en forme de couronne entourant l'ouverture inférieure.

L'air chaud nécessaire au gonflement initial provenait toujours d'un feu allumé au sol, mais un foyer placé à la base de l'enveloppe maintenait la température de l'air et pouvait être entretenu depuis la nacelle grâce à des ouvertures ménagées dans l'enveloppe pour le passage de bottes de paille.

 

Le premier voyage aérien

Après ces ascensions captives, il était logique que l'étape suivante fût un vol humain, libre. Accompagné du marquis d'Arlandes, Pilâtre de Rozier s'envola du château de la Muette, situé à l'ouest de Paris, le 21 novembre 1783 à 13 h 54, devant de nombreux spectateurs.

La montgolfière, bleu roi, était richement décorée de motifs jaune d'or représentant les signes du zodiaque et des fleurs de lys. Poussée par un léger vent du nord-ouest, elle passa entre l'École militaire et les Invalides, puis survola les abords sud de Paris.

Les deux voyageurs décidèrent alors d'atterrir, car le feu avait commencé à ronger la base de l'enveloppe. La montgolfière frôla les moulins à vent de la Butte aux Cailles, avant de se poser sans heurt, à 14 h 20. La foule arrivée sur les lieux submergea les héros, dont la légende dit que leurs redingotes furent partagées en mille morceaux, emportés en souvenir par leurs admirateurs enthousiastes ! Le premier voyage aérien avait duré vingt-six minutes.

L'annonce des premières expériences d'Annonay avait stimulé les recherches d'un autre physicien, Jacques Charles. Aidé des frères Robert, constructeurs d'appareils de laboratoire, celui-ci entreprit de fabriquer un ballon gonflé à l'hydrogène qui fut lâché du Champ-de-Mars le 27 août 1783, devant une foule stupéfaite.

Il s'éloigna vers le nord, puis éclata audessus de Gonesse, à la grande frayeur de deux paysans témoins de sa chute ! Cet essai préludait à l'exploit que Charles et l'un des frères Robert allaient accomplir le ler décembre 1783.

Malgré une interdiction royale, ils s'envolèrent du jardin des Tuileries dans un ballon à hydrogène présentant la plupart des caractéristiques des ballons libres qui suivirent (enveloppe vernie se vidant par une soupape, nacelle retenue par un filet, emploi de lest). Au bout de 2 h 5 mn, les deux hommes atterrirent à Nesle, près de L'Isle-Adam. Charles repartit seul, monta à 3 000 m, puis se posa à la Tourdu-Lay après 35 mn de vol.

L'utilisation de l'hydrogène pour le gonflage des ballons se généralisa rapidement aux dépens des montgolfières, dont la matière et le mode de réchauffage plaçaient l'équipage en grand péril : ce danger fut illustré tragiquement le 15 juin 1785, lorsque Pilâtre de Rozier et Romain, son aide, périrent dans l'incendie de leur montgolfière lors d'une tentative de traversée de la Manche.

 

Ballons (en uniforme)

L'intérêt stratégique des aérostats apparut rapidement à l'état-major des armées révolutionnaires françaises, qui, en lutte contre une coalition de nations européennes, se devait d'utiliser tous les moyens possibles pour vaincre.

L'observation des dispositifs et des mouvements de troupes ennemis fut donc confiée à des ballons captifs, qui jouèrent un rôle important, en particulier dans la victoire de Fleurus, remportée par Jourdan sur les armées anglaise et hollandaise le 26 juin 1794. Ce procédé d'observation fut délaissé par les troupes napoléoniennes, dont la mobilité posait des problèmes aux unités d'aérostiers.

Il fallait, en effet, des véhicules pour transporter les tubes d'hydrogène indispensables au gonflage des ballons et un personnel nombreux pour les maintenir en un point fixe puis pour les ramener au sol à l'aide de cordes. En revanche, les ballons furent largement utilisés dans les guerres de positions. Pendant la conquête de l'Algérie, on vit ainsi un ballon captif participer au siège d'Alger (juillet 1830).

 

Une image que l'on aurait pu croire oubliée : celle d'un ballon gonflé au gaz de ville, présenté à Armentières à l'occasion d'une ducasse. Ces dernières années ont été marquées à travers le monde par un nouvel engouement pour les plus légers que l'air, ballons et montgolfières; les départements du nord de la France furent parmi les premiers à les remettre à l'honneur.

 

En 1870, le désastre militaire ayant conduit les armées prussiennes aux portes de Paris, des ballons captifs observaient la progression de l'ennemi; mais il s'agissait essentiellement d'initiatives personnelles prises par les aéronautes demeurant à Paris.

 

C'est ainsi que, le 18 août, Nadar fonda, avec ses compagnons Dartois et Duruof, la compagnie des aérostiers militaires; les trois hommes mettaient gracieusement à la disposition de la France deux aérostats et le personnel nécessaire pour effectuer des observations à caractère militaire.

 

Sa bonne volonté restant inemployée, Nadar, le 4 septembre, jour de la chute de l'Empire, décida d'installer ses ballons à Montmartre. La première ascension eut lieu le 10 septembre, à bord du Neptune. Les observations suivantes se succédèrent au rythme de trois par jour et trois par nuit, parfois dans des conditions très difficiles, en raison du vent : la garde nationale prêtait alors main-forte aux aérostiers pour retenir le ballon malmené par les éléments.

 

Mais, en l'absence de réel soutien des autorités, les efforts de Nadar furent inutiles. Les ascensions captives continuèrent après l'encerclement de Paris, mais sans grand résultat, car le stationnement des troupes prussiennes était facile à déterminer à partir des avant-postes français.

 

Cette gravure du XVllle siècle rappelle un grand événement de l'histoire de la locomotion aérienne. Le 21 novembre 1783, en effet, le marquis d'Arlandes et Pilâtre de Rozier, sous la direction de Montgolfier, traversaient Paris des jardins de la Muette à la Butte aux Cailles : ce fut le premier voyage aérien de l'histoire.

 

Les quelques tentatives d'observation faites au profit de l'armée en province furent tout aussi infructueuses en raison de la désorganisation des troupes en retraite.

Le véritable titre de gloire de l'aérostation fut d'avoir permis alors de forcer le blocus des villes assiégées grâce au transport du courrier, maintenant ainsi les communications avec l'extérieur. L'usage de ballons à cet effet avait déjà été expérimenté par quelques ingénieux assiégés à Condé et à Valenciennes en 1793. De Metz, encerclée par les Prussiens en septembre 1870, partirent aussi nombre de petits ballons transportant des lettres de soldats à leurs familles. Les premiers de ces ballons, en papier enduit de vernis, furent réalisés par le docteur Jeanne, pharmacien-major de l'armée, qui en expédia quatorze (soit 3 000 lettres environ). Ces expéditions étaient réservées aux officiers. Puis, tous les assiégés, civils et militaires, en bénéficièrent, ce qui obligea à fabriquer des aérostats plus gros, capables d'emporter chacun des milliers de missives.

 

Le premier de cette série en déposa plus de cinq mille à une centaine de kilomètres de Metz. Dès que le ballon était découvert, la correspondance était remise au service postal qui en assurait l'acheminement normal. D'autres emportèrent plus de trente-deux mille lettres, et même deux pigeons voyageurs pour la correspondance en retour.

Curieusement, ce service fut interrompu à la fin du mois de septembre sur ordre du général Bazaine, commandant la place : il avait reçu des Prussiens certaines lettres, trouvées dans un ballon capturé, qui critiquaient son comportement!

D'autres villes investies, comme Belfort et NeufBrisach, employèrent des ballons pour correspondre avec le reste du pays. A Paris également, un homme au moins expédia une centaine de petits ballons avec chacun une lettre destinée à sa femme.

Il préférait les expédier lui-même plutôt que de les confier à l'administration des Postes. Celle-ci tenta également d'envoyer des ballons perdus qui tombèrent aux mains de l'ennemi; dès lors, elle n'expédia plus que des ballons montés, dont l'équipage pouvait détruire le courrier avant d'être pris.

Avant que Paris fût complètement encerclé, l'Administration invita Nadar et ses équipiers à construire trois ballons de 1 200 m3, destinés aux communications entre le gouvernement de Paris et la délégation de la Défense nationale, installée à Tours.

(Cette délégation représentait le gouvernement constitué le 4 septembre, et avait pour mission de coordonner la lutte contre les Prussiens.) Paris ayant été investi dans la nuit du 18 au 19 septembres, et la commande du service postal, signée le 19 septembre, ne pouvant être honorée avant le, 8 octobre, on réquisitionna tous les ballons existant dans la capitale.

Le premier à quitter la ville fut le Neptune, qui depuis deux semaines effectuaient des ascensions à Montmartre par un vent violent. Piloté par Duruof, dont la science aérostatique compensait le mauvais état de l'engin, il emporta trois sacs de dépêches (d'un poids total de 125 kg) et atterrit près d'Évreux le 23 septembre.

Le courrier fut remis au préfet de l'Eure suivant la consigne reçue par l'aéronaute. Ce mode de franchissement de leurs lignes surprit fort les Prussiens, dont les tirs ne purent atteindre le Neptune.

Le troisième départ fut celui d'un curieux appareil, constitué de trois ballons usagés réunis : un de 800 m3, un de 500 m3 et un de 60 m3. Les deux ballons principaux étaient reliés par une perche que soutenait le ballonneau.

Baptisé États-Unis, l'aérostat s'envola de l'usine à gaz de La Villette le 29 septembre, piloté par Louis Godard et emportant un passager, 83 kg de courrier, des tracts destinés aux Allemands, rédigés par Victor Hugo, des journaux et six pigeons voyageurs. Il atterrit près de Mantes, loin de l'ennemi. Le Céleste, manoeuvré par Gaston Tissandier, partit le 30 septembre. Dernier ballon usagé à quitter Paris, il atteignit Dreux avec un chargement similaire.

 

C'est aux heures les plus sombres de notre histoire que les ballons connurent leurs plus belles heures de gloire. Du 23 septembre 1870 au 28 janvier 1871, soixante-six ballons montés quittèrent Paris, assiégé par les Prussiens. ils transportèrent plus de 10 t de courrier et assurèrent les communications dont dépendait la vie de la capitale.

 

Le premier ballon postal neuf, baptisé George Sand, s'enleva le 7 octobre, avec quatre hommes à bord, suivi immédiatement de l'Armand Barbès, qui transportait Léon Gambetta, ministre de l'Intérieur, son secrétaire, Eugène Spuller, et le pilote Trichet.

Gambetta avait été désigné par Paris pour superviser la délégation de Tours, celle-ci n'agissant pas assez efficacement pour imposer le gouvernement du 4-Septembre. Le départ eut lieu dans de bonnes conditions atmosphériques. L'Armand Barbès avait été chargé de 100 kg de courrier et de pigeons. Le vent poussa vers le nord les deux ballons, salués par les tirs de l'ennemi.

Le voyage fut mouvementé, par suite des erreurs du pilote : descendu près du sol à 20 km de Paris, il n'eut que le temps de s'envoler à nouveau alors que des cavaliers prussiens accouraient. Bientôt, il arriva audessus de Chantilly et se prépara à atterrir.

Là encore, Trichet dut jeter du lest à la dernière seconde, ayant vu et entendu des soldats prussiens en cantonnement. Après avoir survolé Creil à faible hauteur, puis des marais à 10 km au nord, l'Armand Barbès descendit à Épineuse, à 8 km de Clermont, sur la route de Compiègne, dans l'Oise.

A l'atterrissage, dans un bosquet, le pilote ne put éviter un grand chêne, dans lequel la nacelle se ficha. Les aéronautes furent secourus par la population du village, maire en tête; ce dernier les cacha chez lui, tandis que des cavaliers ennemis étaient dirigés vers le village voisin par un témoin! Gambetta et ses compagnons gagnèrent ensuite Montdidier en voiture à cheval, évitant les troupes prussiennes qui occupaient la région.

Le George Sand, quant à lui, avait atterri près de Roye, en zone libre.

 

Romancier, satiriste, artiste et homme de science, Nadar créa le 18 août 1870, avec Dartois et Duruof, la première compagnie d'aérostiers militaires.

 

Jusqu'au dernier jour du siège, le 28 janvier 1871, des ballons s'envolèrent régulièrement de Paris, d'abord de jour, puis de nuit à partir du 18 novembre, pour éviter les tirs ennemis qui avaient percé l'enveloppe du Niepce, parti précédemment.

L'administration des Postes passa commande d'une quantité illimitée de ballons de 2 000 m3, capable d'emporter quatre personnes. Ils furent fabriqués, d'abord à l'« ÉlyséeMontmartre », puis, ce local se révélant. Trop petit, à la gare d'Orléans (actuelle gare d'Austerlitz), par les frères Godard, et à la gare du Nord, par Yon et Dartois. Les ballons postaux avaient une enveloppe de 15,75 m de diamètre (soit 2 045,65 m3), faite de quarante bandes de tissu cousues puis vernies intérieurement et extérieurement. La nacelle en osier mesurait 1,10 m de haut, 1,40 m de large et 1,10 m de profondeur. Le poids total du ballon était de 1 100 kg, sa construction exigeait douze jours.

Les premiers aérostats furent pilotés par des aéronautes civils volontaires, mais, leur retour à Paris étant impossible, on forma hâtivement d'autres personnels, toujours volontaires, et choisis de préférence parmi les marins en garnison dans les forts protégeant Paris. Durant le siège, trente marins suivirent en permanence l'instruction, l'un d'eux remplaçant chaque aérostier parti.

Au total, soixante-six ballons s'envolèrent de Paris, emmenant cent trois hommes (pilotes exclus) chargés de missions diverses. Le tonnage de poste dépassa 10 t. Pour les communications avec Paris, chaque ballon emportait des pigeons voyageurs, dont la mission première était généralement de renseigner les expéditeurs sur le sort des aéronautes. Enfin, des paquets de tracts servant de lest étaient généreusement déversés au-dessus des lignes, tandis que des journaux étaient lancés sur les campagnes.

Dès leur sortie de Paris, les ballons risquaient d'être canonnés par les Prussiens, qui ne manquaient jamais de pourchasser à cheval les aérostats aperçus. Cependant, les pertes dues à l'ennemi furent minimes : cinq ballons, dont deux avaient échoué en Prusse, furent capturés avec leurs équipages (seize prisonniers).

Plusieurs aérostats tombèrent dans les zones occupées sans que l'ennemi retrouvât les aéronautes, le courrier, ni même, souvent, le ballon, dissimulé par la population. Les aéronautes gagnaient ensuite, par des chemins détournés, les zones non occupées, puis Tours.

Des ballons atteignirent la Belgique (quatre) et la Hollande (deux), où les Français reçurent toujours un accueil chaleureux. Le Ville d'Orléans, parti dans la nuit du 23 au 24 novembre, se retrouva au matin au-dessus de la mer du Nord.

Après une tentative manquée d'amerrissage à proximité d'un navire, le pilote vit enfin une terre et toucha le sol rudement dans un paysage enneigé. Les Français étaient arrivés en Norvège, après un vol de 1 246 km en 14 h 45.

Des aéronautes moins chanceux se noyèrent en mer, leurs ballons ayant été poussés vers le large. Trois autres furent gravement blessés lors d'atterrissages durs, où le ballon, à moitié dégonflé, était emporté par le vent, la nacelle traînant au sol.

Ce bilan (trois blessés) peut être considéré comme satisfaisant, une douzaine d'atterrissages au moins ayant comporté des traînages violents, parfois même dévastateurs : plusieurs fois, des toitures, des arbres furent arrachés par l'ancre des ballons.

 

L'aérostation militaire

Une aérostation militaire fut organisée à partir de 1875. On créa une Commission d'études des communications par voie aérienne, dirigée par le colonel Laussedat, qui avait pour adjoint le capitaine du génie Charles Renard.

Un des résultats pratiques de cette commission fut la constitution d'unités d'aérostiers, organisées en compagnies et dotées de ballons captifs sphériques de 750 m3, dits « de sièges », retenus au sol par des câbles reliés à des treuils à moteur à vapeur montés sur remorques hippomobiles.

Ces unités servirent à l'observation pendant la campagne du Tonkin (1884-1885) contre les Chinois. Des ballons français épaulèrent également les Italiens en Abyssinie en 1885, et, à la même époque, les Anglais utilisèrent des ballons captifs en Afrique du Sud et au Soudan. Dans le même temps, l'Allemagne créait ses premiers corps d'aérostiers militaires.

Des ballons captifs français se signalèrent aussi lors de la conquête de Madagascar, en 1895, et au Maroc, en 1907. Mais l'état-major français, prévoyant que la guerre moderne serait exclusivement une guerre de mouvement, renonça aux ballons captifs pour les armées en campagne en 1911. Seules subsistèrent les compagnies d'aérostiers de certaines places fortes de l'Est, dont le matériel cessa d'être renouvelé à partir de 1913.

 

La Grande Guerre (1914-1918)

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A l'ouverture des hostilités, en août 1914, le commandement français découvrit que l'armée allemande disposait d'une aérostation bien organisée et équipée d'un matériel très supérieur aux quelques ballons français les Drachen allemands, cylindriques, avaient une bonne tenue au vent et servaient efficacement l'artillerie dans ses réglages de tir.

L'aérostation française fut donc réorganisée en hâte avec le matériel ancien existant. L'improvisation, qui donna des résultats encourageants, fit place peu à peu à une organisation puissante, qui surclassa celle des Allemands par l'ampleur des moyens mis en oeuvre et leur efficacité.

Les ballons sphériques furent d'abord remplacés par des copies imparfaites des Drachen : les ballons H de 800 m3 - très vite baptisés « saucisses » - dotés destabilisateurs en toile. Puis le capitaine Albert Caquot, du centre de Chalais-Meudon, dessina le ballon L (880 m3), qui sortit à la fin de 1915, suivi du type M de. 900 m3. Le type R (1 000 m3), apparu à la fin de la guerre, pouvait prendre l'air par des vents de 90 km/h.

Parallèlement, on améliora le matériel de servitude (les treuils à vapeur furent remplacés par des treuils à moteur à explosion montés sur camions automobiles) et la formation des équipages : le nombre de compagnies d'aérostiers fut porté de vingt-six en juin 1915 à soixante-quinze (soit soixante-quinze ballons) en mars 1916, ce qui impliquait la formation de nombreux soldats de toutes spécialités : observateurs, spécialistes cordiers, mécaniciens, hommes de manoeuvre. Des écoles s'ouvrirent dans les différents corps d'armée, puis une école de spécialistes fut créée, à Vadenay au mois de mai 1916.

Les ballons captifs rendirent d'appréciables services à l'artillerie : l'observateur, qui, toute la journée, restait suspendu dans sa nacelle à 800 ou 1 000 m d'altitude connaissait parfaitement la région et savait déceler tout changement dans le paysage traduisant des travaux ou des mouvements de troupes ennemis, qu'il signalait aussitôt par téléphone aux batteries voisines, dont il corrigeait le tir. Mais sa situation le rendait très vulnérable aux attaques aériennes.

Les avions, munis de mitrailleuses ou de fusées, menèrent la vie dure aux « saucisses » -, l'aviation alliée fit de même avec les Drachen -, et, pour limiter les pertes en observateurs, le commandement les équipa des premiers parachutes, tandis que du côté allemand les ballons étaient disposés à une altitude moyenne (500 m) afin d'être plus rapidement ramenés au sol en cas d'attaque.

Les ballons d'observation remplirent leur tâche à merveille pendant toute la guerre, même - mais au prix de quelles difficultés de transport! - quand, à partir de 1917, les combats furent suivis de déplacements rapides du front.

Après 1918, le développement de l'aviation d'observation entraîna l'abandon des ballons. Mais les ballons captifs, qui avaient déjà été utilisés pour constituer des barrages contre les Zeppelin et les Gotha venus bombarder Paris ou Londres, jouèrent le même rôle entre 1939 et 1945.

 

L'aérostation sportive

Grâce à de fréquentes démonstrations dans les foires - où chacun pouvait s'élever au-dessus de son bourg moyennant finances -, l'aérostation devint vite très populaire. Devant l'engouement du public pour les vols en ballon, Nadar eut l'idée de s'en servir pour la recherche dans le domaine du plus lourd que l'air!

Un ballon de 6 000 m3, le Géant, s'envola ainsi de Paris le 4 octobre 1863, piloté par Louis Godart; il pouvait accueillir plus de dix passagers dans une imposante nacelle à deux étages. Un incident technique interrompit à Meaux le voyage inaugural, qui devait durer plusieurs jours.

Deux semaines plus tard, le Géant atteignait la région de Hanovre (ce qui représentait alors la plus longue distance parcourue en ballon), où il fut malheureusement traîné au sol par une violente tempête au moment d'atterrir. Les neuf personnes qui se trouvaient à son bord furent toutes plus ou moins gravement blessées. Les démonstrations ultérieures à Bruxelles, Lyon ou Amsterdam ne permirent pas de couvrir les frais, ce qui mit fin à l'entreprise.

Une mode du ballon se propagea dans les domaines les plus divers, comme la décoration - de l'assiette à la taverne - ou la littérature : le ballon libre alla dans la Lune avec Edgar Poe et fit le tour du monde avec Jules Verne.

Les exploits sportifs se multiplièrent dans les trois domaines de compétition possibles : altitude, distance et durée de vol. Un record d'altitude (5 878 m) fut établi le 24 juin 1802 par les Français Humboldt et Bompland.

Les dangers encourus lors des vols en altitude transformèrent les performances suivantes en exploits scientifiques. En 1836, l'Anglais Charles Green, parti de Londres dans un ballon gonflé au gaz de ville, traversa la Manche et survola la France et la Belgique avant de se poser en Allemagne, dans le duché de Nassau.

Charles Green, qui consacra sa vie à l'aérostation, est connu pour avoir réalisé des milliers de « baptêmes de l'air ». On lui doit aussi l'emploi du gaz de ville pour le gonflage des ballons, à la place de l'hydrogène, plus dangereux à manipuler et moins facilement disponible. En France, la famille Godart donna à l'aérostation une vingtaine des siens, qui s'illustrèrent à divers titres pendant près de soixante ans.

En 1898, un groupe d'aéronautes français constitua l'Aéro-Club de France, et, pour stimuler l'esprit de compétition entre ses membres, créa les prix de la plus grande durée de vol et de la plus grande distance parcourue.

Le record de durée fut porté à 44 h 30 mn le 21 octobre 1907 par Alfred Leblanc sur l'Ile-deFrance (ballon de sixième catégorie), entre Saint Louis et New York (les ballons étaient classés en plusieurs catégories selon leurs caractéristiques techniques).

Le record de distance fut établi le 9 octobre 1900 par le comte Henry de La Vaulx, sur le Centaure, qui parcourut 1925 km entre Paris et Korostychew (Russie). II fut battu le 27 octobre 1912 par Maurice Bienaimé sur le Picardie, avec 2 191 km (Stuttgart-Riazan [Russie]) en 46 heures, puis, le 19 mars 1913 par René Rumpelmayer sur le Stella, avec 2 400 km (CompiègneVoltchy [Russie]) en 41 heures.

En 1906, James Gordon Bennett, directeur du New York Herald, offrit une coupe aux ballons libres qui couvriraient la plus longue distance sans escale. Le règlement de la compétition précisait que la coupe serait définitivement acquise à la nation dont les équipes l'auraient remportée trois années consécutivement.

La première manifestation eut lieu le 30 septembre 1906 à Paris. Parmi les nombreux ballons rassemblés pour la circonstance, on remarqua beaucoup celui d'Alberto Santos-Dumont, qui l'avait équipé d'un moteur actionnant des hélices destinées à faciliter l'ascension. La coupe fut attribuée pour la première fois en 1924 à la Belgique, qui la remit sportivement en jeu l'année suivante. Les États-Unis firent de même en 1929, après avoir remporté le trophée un an auparavant.

Aujourd'hui, l'aérostation sportive connaît toujours un grand succès, les feux de paille ayant été remplacés par des brûleurs à gaz. C'est ainsi que les ballons libres ont fait la une des journaux en mai 1979, quand l'Eagle 11, parti d'Albuquerque (Nouveau-Mexique), atterrit dans un champ près d'Évreux.

Gonflé à l'hélium, il disposait d'un équipement très sophistiqué, qui permit de suivre le parcours des trois aéronautes sur les écrans des radars. La nacelle en fibre de verre était capable de flotter, et l'équipage était muni de masques à oxygène qui lui permirent de monter à haute altitude pour bénéficier des courants aériens favorables.



02/02/2013
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